Stevie Nicks sur l’importance du romantique
Est-ce qu’on vous pose souvent des questions sur votre façon d’écrire des paroles ?
Oui. Vous savez, on me demande si j’écris à propos des gens, des histoires d’amour, de ce qui se passe en ce moment, de mon passé lointain. On me demande comment j’invoque ces souvenirs. Je réponds toujours que pour les auteurs, il n’y a pas qu’une voie. Vous écrivez au sujet de ce qui vous inspire dans l’instant. Si l’inspiration vous vient en écoutant Missing You de John Waite parce que vous venez de l’entendre à la radio, eh bien voilà. C’était ma chanson à l’époque où j’étais avec Joe Walsh. Chaque fois que je l’entends, j’ai besoin de m’assoir. Je repense à cette période de ma vie et si je me laisse faire, je pourrais courir vers le piano et composer une autre chanson. Je ne me le permets plus très souvent, mais voilà ce que ça m’inspire.
Par exemple, je suis assise en voiture, dans un parking, en train d’attendre que mon assistante revienne. Un couple passe devant moi. Je vois leurs doigts qui se frôlent. Il lui ouvre la porte. Elle le regarde. Le temps s’arrête… et là, je rentre chez moi pour écrire une chanson sur eux. Ou sinon je vais voir un film qui ne me sort plus de la tête, par exemple The Light Between Oceans, avec Michael Fassbender. Le tragique de ce film est si intense et si beau, c’en est presque intenable. Vous rentrez chez vous et vous y repensez pendant des jours. Je me fais violence pour me retenir de dire : « Arrêtez tout, il faut que j’aille écrire une chanson sur ce film parce que j’ai besoin de raconter cette relation fictive que je n’arrive pas à me sortir de la tête. »
Voilà ce que je réponds à ceux qui me posent des questions. Écoutez vos sentiments. L’inspiration vient de tout et de rien. Oui, je peux vous écrire une chanson super romantique là, maintenant, tout de suite, même si je ne suis pas vraiment en couple et que je ne l’ai pas été depuis longtemps. Les idées, je les attrape dans l’air, mais il faut que je ressente une vraie inspiration pour d’abord écrire un poème. Ensuite, quand j’ai le temps, je me mets au piano avec ce poème. C’est ainsi que je travaille depuis mes 15 ans.
Vous avez évoqué le lien entre la poésie et la chanson. Écrire des poèmes et des chansons, est-ce votre façon de donner un sens au monde qui vous entoure ?
Oui. Pour moi, ça marche comme ça. Vous savez, si vous écrivez un roman ou un film sur l’état du monde, vous obtiendrez quelque chose de très long. Une épopée. En revanche, si vous écrivez un poème, vous produisez une page. Ou deux ou trois vers. La poésie raconte toute une histoire en très peu de mots, tout en faisant passer vos idées. Je n’ai jamais vraiment écrit de textes très longs, et je ne saurais même pas par où commencer. La poésie et la chanson me permettent de parler de ces choses dans un format que je maîtrise.
Un peu comme la saga Twilight. Les livres sont longs. Je me pose plein de questions : comment a-t-elle fait pour écrire ça ? Comment a-t-elle inventé tous ces personnages, toutes ces générations différentes et ces trames de fond ? Je n’en serais jamais capable. Je préfère écrire une chanson et c’est ce que j’ai fait. J’ai écrit Moonlight, à propos de ces livres, que j’ai adorés. J’ai mis tout mon cœur dans un morceau concis sur l’histoire de Bella et d’Edward.
À mon avis, les poètes et les paroliers ont beaucoup de choses en commun. Un bon parolier est avant tout un poète. C’est le même mode de vie, la même façon de penser. Contrairement aux romanciers ou aux scénaristes, la plupart du temps, nous véhiculons nos idées dans un format concis. Nous remplissons des contenants de phrases et de vers très courts. C’est notre façon à nous de nous livrer, d’exprimer nos sentiments, de décrire les choses, de raconter le monde. Donc, oui… à la question que vous m’avez posée, je réponds « oui ».
J’aime beaucoup votre côté romantique. On dirait que, tôt ou tard, ceux qui sont dans le show-business finissent par tomber dans la lassitude ou l’amertume, ce qui a tendance à nuire à la création artistique.
C’est tellement triste, une fois que vous perdez votre côté romantique, vous n’êtes plus poète. Si vous le restez, vous êtes mauvais et personne ne vous lira, parce que vos mots seront blasés et abattus. Si vos écrits ne sont pas source d’inspiration, personne ne les lira. Le public regardera votre œuvre et se dira que « cette personne est has been, sa carrière est terminée ».
Notre œuvre sert à inspirer, à émouvoir. Peut-être avez-vous envie de faire pleurer, comme nous avons pleuré, à trois, l’autre soir, au cinéma. On pleurait tellement que l’on ne parvenait plus à se regarder – ce qui, en soi, est quelque chose de très beau. Si vous n’êtes plus capable de cela, ou si vous n’arrivez pas à faire rire une personne ou à lui rappeler ses premières amours, arrêtez-vous. Ne détruisez pas votre legs en essayant de continuer si vous avez perdu cette force, si votre œuvre ne sort plus de là où il faut. Faites vos comptes, investissez dans l’immobilier et finissez-en. C’est tout. Allez faire autre chose.
Souvent, les jeunes artistes vous considèrent comme une influence, une source d’inspiration. Je ne peux m’empêcher de penser au Ted Talk de Tavi Gevinson, en 2012. Le dernier conseil qu’elle donna à toutes les jeunes femmes est « d’être comme Stevie Nicks ».
Alors, je vous raconte. J’étais en train de regarder et je me disais « c’est super, j’adore. Ça me plaît beaucoup, mais je ne comprends toujours pas pourquoi ils me l’ont envoyé ». Elle arrive à la fin de son discours et je me dis qu’elle est sur le point de révéler quelque chose de magique. Elle a un but, là. Ça se lit sur son visage. Tout à coup, elle s’écrie « oh, une dernière chose. Soyez comme Stevie Nicks ». Je suis presque tombée de ma chaise.
Je savais que la chute allait arriver, mais je ne savais pas que c’était moi. Quand elle a dit ça, je me suis dit « Je savais bien que cette fille me plaisait ». [Rires] Je l’ai contactée immédiatement. Je lui ai envoyé une de mes lunes d’or avec une longue lettre manuscrite. Depuis, nous sommes amies. Je lui achète des chaussures compensées chaque fois que je vais à Paris. Je vais la voir jouer sur Broadway. Je viens de la voir dans Les Sorcières de Salem. Une histoire si sombre, si triste qui m’a pratiquement achevée. Au début, quand nous venions tout juste de devenir amies, elle m’a envoyé un petit enregistrement. Elle jouait de la guitare et chantait Landslide et j’avoue qu’elle s’était plutôt bien débrouillée. J’ai toujours pensé que cette jeune fille, rien ne l’arrêtera. Elle va conquérir le monde. Donc oui, c’est incroyable d’avoir été une source d’inspiration pour les autres, même sans le savoir. Ça vous donne envie de persévérer. Pas évident de savoir quoi dire. C’est incroyable et très flatteur de savoir que votre œuvre a touché ou motivé quelqu’un… ou que vous avez donné l’exemple, d’une façon ou d’une autre, simplement, vous savez, à travers votre façon de survivre et de faire de votre mieux.
Vous venez de terminer une tournée qui a duré presque trois ans avec Fleetwood Mac. Votre tournée en solo est sur le point de démarrer. Vous avez vécu ça de nombreuses fois, êtes-vous toujours saisie par ce même élan de créativité pendant la préparation d’une tournée ?
Absolument. Il n’y a pas que la musique, vous commencez à réfléchir aux bottes, aux vêtements, au spectacle et à toutes ces choses folles et féminines qui vont avec le show-biz. Vous passez du temps avec des gens à essayer de décider quels sont les titres, parmi la trentaine que vous avez répétée, que vous allez jouer. Ce sont des moments incroyables. La préparation se fait très vite. Mes tournées solo sont un peu moins intenses. Fleetwood Mac répète tous les jours pendant huit semaines non-stop. Les répétitions sont énormes. Quand je chante en solo, on répète moins, car le groupe est plus petit. Mais on fonce. Je reçois tout à la vitesse d’un train lancé sur ses rails, là. Je suis toujours un peu mal à l’aise, un peu aveuglée par la lumière. « Oh mon dieu, mais c’est après-demain ! » Mais c’est une bonne chose aussi. Plus ça va vite, plus c’est exaltant. Vous n’avez pas d’autre choix que de sauter en selle. Je me dis parfois que c’est pour ça que ma carrière a duré aussi longtemps. Je ne suis jamais descendue du cheval. [Rires] Qu’est-ce que je pourrais bien faire d’autre ?
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En dehors de Fleetwood Mac, Stevie Nicks a sorti son premier album solo, Bella Donna, en 1981. L’album, qui ressort en version de luxe plus tard cette année, se vendra à plus de six millions d’exemplaires. Traité précoce des hauts et des bas de l’artiste qui devient célèbre soudainement, After the Glitter Fades reste l’un de ses titres les plus écoutés.
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Stand Back est non seulement l’un des plus grands hits de Stevie Nicks (avec Prince qui signe la mélodie du synthé), c’est aussi l’un des clips les plus visionnés du début des années 1980. Ventilateurs dans les cheveux, chorégraphies inspirées de la danse classique, on la revoit encore déambuler sur un tapis de course éclairé au néon. À l’origine, elle avait une autre vision pour ce clip. Dans la version Scarlett, qui fut heureusement abandonnée, Stevie Nicks, terrifiée, s’enfuit à cheval et batifole avec des soldats de la guerre de Sécession. (À regarder d’urgence : la version commentée par l’artiste.)
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Les fans de Stevie Nicks affectionnent particulièrement le titre The Wild Heart, de l’album éponyme sorti en 1982, depuis qu’une vidéo de 1981, dans laquelle Stevie Nicks chante la chanson en coulisses pendant une séance de maquillage, a fait le tour de la Toile. Bon Iver a même échantillonné le clip, qu’il considère comme « sa vidéo YouTube préférée de tous les temps », sur son album 22, A Million, sorti en 2016. The Wild Heart est le deuxième album de Stevie Nicks.
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Si les fans de Fleetwood Mac considèrent Tusk comme le successeur à la fois bizarre et compliqué de Rumours, qui a connu un succès phénoménal, l’album a tout de même acquis, depuis sa sortie en 1979, un statut plutôt mythique. Ancrant Stevie Nicks dans son rôle de compositrice, Tusk renforce son image de déesse mythique d’une autre dimension, comme on peut le voir dans ce clip du groupe qui joue Sister of the moon pendant la tournée de l’album.
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Stevie Nicks appartient à une rare catégorie d’artistes qui ne cessent de lever, à travers leur œuvre et leur esthétique visuelle, de nouvelles générations de fans ultra-dévoué. Depuis 26 ans, cette ferveur se manifeste lors de l’événement Night of a Thousand Stevies, une soirée annuelle qui réunit des centaines de personnes autour de l’artiste. Au rendez-vous : tambourins, châles de dentelle, Crystal Visions et colombes blanches.